Je me réveille dans mon costume froissé, un jeune aborigène me tend un bol. Prendre un poste en Amérique du Sud semblait une bonne idée, mais après le naufrage, je m’étais retrouvé ici perdu, incapable de retrouver la civilisation. Tout ce qu’il me reste, ce sont des livres de comptes inutiles que mon jeune ami a sorti de l’eau en même temps que moi.
« Moi partir, dis-je à mon compagnon un matin de plus.
– Partir, me répond-il. »
Il me fait signe de venir, il a deux sacs et met mes affaires dans un avant de s’enfoncer dans la jungle. Je le suis hésitant, nous partons sans un mot.
Nous marchons ensemble jusqu’à la rivière où nous attend un canoë. Il me fait signe de monter et nous partons, peut être va-t-il me ramener à la civilisation. La progression est lente et périlleuse, nous risquons de heurter les troncs flottants et de chavirer, mais mon guide les évite avec dextérité. Il me crie soudain quelque chose que je ne comprends pas, un gros tronc est devant le canoë et nous fonce dessus malgré le grand coup de pagaie. Ce n’est que lorsqu’il ouvre grand sa gueule que je me rends compte. Un crocodile ! Nous sommes à quelques mètres de la berge, mon compagnon saute et je le suis d’instinct. Je me réceptionne dans la boue et remonte le plus vite possible sur la terre ferme pour voir le crocodile mettre le canoë et nos sacs en pièces. Au moins, nous sommes encore en vie, mais nous allons devoir continuer à pieds.
Ma maison me manque, ma vie tranquille et prévisible aussi. Pourquoi ai-je tout voulu quitter. L’ennui me semble une bénédiction maintenant que nous marchons dans la jungle, mes habits collés de boue. Mon ami est nerveux, ce n’est pas son habitude, peut-il y avoir des tigres ?
Au détour d’un chemin, il s’arrête net, deux aborigènes sont là avec des lances, je n’ose bouger. Ils nous poussent sur le chemin, mon compagnon semble inquiet. Arrivé au village, ils nous séparent, mon ami me lance un dernier regard alors qu’ils l’emmènent. Je me retrouve enfermé dans une hutte minuscule, je ne peux rien voir à part un tas d’ossement étrangement familier au milieu de la pièce.
Que vont-ils nous faire, j’aurais tout donné pour ne pas être parti de ma cabane ce matin.
Un groupe entre dans ma hutte, mon ami est avec eux et un vieil homme me tend des sortes de contrats imprimés.
« Toi, aider nous, échange, me dit-il avec un grand sourire. »
C’est comme ça que je suis devenu négociateur commercial pour des tribus amazoniennes et veille sur leurs intérêts. Une vie exceptionnelle m’attendait juste au détour du chemin, il me fallait juste le courage d’y aller.